Turquie 2001

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Voyage à vélo en Turquie.

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DU 10 AU 24  SEPTEMBRE 2001

Pourquoi la Turquie, nous a-t-on demandé ?  Et bien, ce n’est pas très loin de la France, il fait chaud et beau en septembre, on peut donc profiter de la mer et il fallait bien qu’on vérifie si les turcs ont de belles moustaches !

Pour la chaleur, nous avons été gâtés,  35 ° à 40° tous les jours, sous un ciel sans nuage. D’ailleurs, je n’ai jamais autant bu d’eau pendant un périple à vélo : 115 l d’eau pour 2 en 14 jours et je ne calcule pas le nombre de cl de sueur évacuée  par les pores de notre peau perpétuellement humide !

Mais les panoramas nous récompensent de notre peine. Imaginez des petites routes goudronnées, serpentant au pied des montagnes du Taurus et longeant la mer et ses criques de rêve. D’un côté, la platitude de la Grande Bleue, parsemée de bateaux scintillants sous le soleil, et de l’autre côté, les flancs abruptes d’une montagne pointillée de buissons épineux et de blocs de pierre.

Commençant notre périple par Antalya, la ville la plus occidentalisée de la Turquie, nous sommes frappés par le mélange occident-orient qui existe. Ici, les minijupes côtoient les jupes longues et les fichus, les boutiques élégantes n’empêchent pas le petit commerce de rue, et les portables font partie du paysage, tout comme les Turcs rassemblés dehors autour d’un thé ou d’un jeu.

Les belles maisons ottomanes qui ornent la vieille ville sont le témoin d’un passé culturel très riche. Et c’est un pays aux multiples influences que nous découvrons peu à peu sous le rythme de nos pédales.

Tout en engrangeant les km, nous nous familiarisons avec la nourriture turque et nous ne sommes pas déçus. Que de yaourts  consommés durant nos pauses pique-nique, agrémentés de tomates et surtout de pêches ! Ici ; ce fruit est une saveur directement venue des Dieux, tellement c’est divin. Comme dans tout pays méditerranéen,  l’abondance de figuiers, de grenadiers et d’olivier nous ravit les sens. Et souvent, une forte odeur d’olive nous emplit les narines en pédalant…

En plus des « gozleme » et des « pidde » : ; mets typiquement turcs, nous faisons également honneur aux friandises, dont nous emplissons parfois nos sacoches de devant…pour un petit réconfort sucré ! Les loukoums au goût sirupeux font penser aux bonbons de notre enfance, mmiam…les loukoums à la rose ! 

Les senteurs qui émanent des jardins à Antalya ; la fleur d’oranger et le jasmin sont aussi un régal pour nos narines. Et nous retrouvons  le jasmin à Kalkan. Cette petite ville offre aux touristes le spectacle coloré et chatoyant des tapis turcs suspendus.

Les villes se succèdent et à chaque fois, nous terminons notre journée (5 heures de vélo véritable) par une belle descente. Celle-ci est souvent la récompense de dures côtes qui nous laissent pantelants de sueur …et qui laissent le temps de rêver sur la selle ! A propos, j’ai vite interprété le panneau annonciateur d’une réjouissance ; une 2ème flèche qui se rabat sur une 1ère signifie que la montée est presque terminée. A ce moment-là, je redouble d’effort et mon esprit anticipe la réjouissance !

Les camions nous doublent dans un crachement de gaz et de bruit et souvent nous avons droit à des signes d’encouragement de toutes sortes : coups de Klaxon, signes de la main, propos de bienvenue (j’ai reconnu la phrase !).  Dans ces visages surpris et admiratifs, j’imagine leurs pensées : quelle idée de faire du sport par cette chaleur et de voyager à vélo alors qu’il y a tant de « dolmus » (taxis collectifs bon marché) ?

Nous fuyons les villes trop touristiques et préférons nous plonger dans un bain humain et linguistique uniquement turcs. Parler un peu la langue du pays facilite les contacts et peut même être utile. Pour traverser le site d’Olympos par exemple, où quelques vieilles pierres apparentes laissent imaginer aux touristes le souvenir d’une vie passée, nous franchissons l’entrée gratuitement, sous l’œil débonnaire de l’employé, nos vélos à la main. Est-ce grâce à mon sourire ou grâce à mes mots turcs ? Sûrement les deux… !

Malgré cela, nous avons peu de contacts avec les femmes, celles-ci vivent plus en retrait (timidité, respect de la coutume ? et on les voit s’affairer dans les champs. Sur la route de Milas à Heraklia,  nous sommes hélés par 3 jeunes filles  qui travaillent dans un champ de coton. Elles nous offrent gentiment des balles de coton fraîchement cueilli. Mais la vieille femme, que nous apercevons au loin, courbée en deux, ne relève même pas la tête à notre approche.

On ne sait donc pas ce que font les femmes pour faire « keyif » ! Cet état de bien-être et de détente typiquement turcs ne semble toucher que les hommes. Il suffit de les voir assis sur le pas de la porte, occupés si l’on peut dire, à boire un thé avec d’autres hommes et à bavarder pour s’en laisser  convaincre… ! Le soir, ils s’attablent par petits groupes, sous l’écran parfois bruyant d’une télévision allumée et jouent à des jeux de dés et de dominos..

Autre  rite spécifiquement turc : le hammam, mais nous ne goûtons pas à ces ablutions nationales, préférant le confort et l’intimité d’une salle de bain dans une pension.

Une chose nous frappe en Turquie, c’est l’absence de chiens et la multitude de chats dans les rues, bien efflanqués d’ailleurs les pauvres.

Ne pas pouvoir s’exprimer couramment est quelquefois frustrant …surtout si l’on veut se mettre en colère ! Jugez plutôt : nous voulons relier Selçuk à Antalya (point de départ et d’arrivée de notre périple) en bus de nuit. Nous payons nos places d’avance , avec l’assurance de la compagnie que nos vélos seront transportés en bagage sans problème dans la soute.  A l’heure du départ(23h30), le car arrive, déjà bien rempli. Pierre installe lui-même nos vélos pour qu’ils ne gênent pas. Et  bien, contre toute attente, le chauffeur du car exige le paiement de 10 millions de livres turques pour transporter nos 2 vélos (l’équivalent du prix d’une place). On a beau expliquer , un peu en anglais, un peu en turc et un peu avec des gestes que l’on a déjà payé nos places, aucune négociation ne semble possible,  le ton monte entre plusieurs employés turcs  et nous et déjà, le chauffeur commence à ressortir nos sacoches de la soute. Finalement, je tends rageusement un billet rouge. Que pouvons-nous faire d’autre à minuit, laissés en rade sur le trottoir à la gare routière ?

A part cet incident, aucun problème technique ou humain n’est à déplorer. On se sent en complète sécurité sur les routes et auprès de la population. Mettre le cadenas relève plus de l’habitude que de la nécessité.

On ne saurait traverser une partie de la Turquie sans avoir l’occasion de visiter au moins un site ancien Comment ne pas évoquer tous ces siècles d’histoire qui ont laissé des traces de la vie des hommes ? Parmi les beautés antiques, dont regorge la Turquie, que nous « effleurons », le site d’Ephèse nous impressionne et nous intéresse. La promenade sur la naguère artère animée de la ville nous fait revivre, grâce à nos lectures, l’incroyable prospérité de cette cité autrefois portuaire. Nous effectuons la visite à 17 h, heure à laquelle les groupes de touristes rejoignent leurs cars. A ce moment-là , l’heure est douce, propice à la flânerie et à la contemplation…nous nous transportons presque des siècles en arrière.

Un autre lieu nous surprend par son originalité, c’est le village de Kayakoy. Pour y accéder, il fait pédaler dur au début, puis nous empruntons une jolie petite route à travers les pins,  nous nous croyons dans les Landes françaises ! Et nous arrivons au village fantôme, ainsi décrit par les guides. Suite à l’échange de population entre les Grecs et les Turcs au début du siècle, plusieurs centaines de maisons, autrefois habitées par les Grecs , sont restées vides après le départ de leurs habitants,  Il ne reste que les murs des maisons, de l’église et de l’école. Tout cela donne un aspect fantasmagorique à ce lieu…

Les montées et descentes se succèdent sans cesse et dans la montagne, nous n’apercevons que quelques chèvres et des femmes en fichu et pantalon bouffant.

Un jour, une fourgonnette nous double et s’arrête quelques centaines de mètres  plus loin. A notre grande surprise, une caméra est pointée sur nous et  nous la voyons suivre nos pédalages. Ce qui est drôle, c’est que nous revoyons nos cameramen plusieurs fois, dans des villes différentes . On pédale même un bout de chemin à côté d’eux et Pierre parvient à s’accrocher à la portière. Moi, je suis…en pédalant vite !

Nous aurons peut-être l’honneur de passer à la télévision turque ou de figurer dans des brochures touristiques, qui sait ? ? ?

Nous goûtons au yaourt salé turc : l’ "ayran ", mais passée l’envie d’étancher notre soif, j’avoue que j’ai du mal à le finir. Rien ne vaut un bon yaourt « normal », d’ailleurs nous l’achetons en pot de 500g et nous arrivons à le consommer frais, car il est bien calé entre les bouteilles d’eau dans le sac à dos plié en deux.

Le soir, nous nous régalons dans les petits restaurants  qui abondent partout et la viande est très bonne; elle est servie souvent avec une sauce au yaourt qui adoucit le feu des épices et donne de l’onctuosité au plat. Notre meilleur  mets de viande est " l’iskender"  et en plus servi par le patron…un beau turc ma foi et …à belles moustaches !

Dans une autre petite ville, nous nous arrêtons près d’une école et suscitons l’attroupement d’un essaim d’écoliers, majoritairement masculins. Les petits garçons portent une sorte de blouse bleu agrémentée d’un petit col blanc et les plus grands , un pantalon gris avec un chemise blanche et parfois une cravate. Les filles, elles, arborent une jupe plissée, de style écossais.

La conversation avec eux est limitée, mais les enfants nous offrent leurs plus beaux sourires, vite transformés en rires lorsque Pierre fait « pouet pouet » avec le klaxon !

La route est longue ce jour-là et c’est (presque) avec extase que nous découvrons enfin notre hôtel au bord du lac de Koycegiz. Du petit balcon tout fleuri qui surplombe la chambre, nous admirons la vue magnifique sur la piscine et juste derrière, le lac qu’entourent  les montagnes de l’autre côté.

Cette petite bourgade nous plaît et donne envie à Pierre  de tester un autre rite turc, le rasage. Nous trouvons sans peine un barbier « typiquement turc » dans son antique boutique. Je m’assois sur un canapé…et attends le résultat. Par un coup de maître, la peau de mon homme est devenue d’une saisissante douceur ! Et il me demande de fixer son visage en gros plans sur la pellicule photo !

C’est dans cette petite ville que nous goûtons pour la 1ère fois du pain servi avec du beurre salé et comme toujours , le serveur nous verse un peu d’eau de Cologne sur les mains à la fin du repas.

Le lendemain , l’occasion nous est donnée d’emprunter en bus cette fois, la plus belle route qui soit : celle qui relie Marmaris à Datça. C’est une route très étroite et sinueuse qui grimpe tout en haut de la montagne. Le panorama qui défile sous nos yeux émerveillés est d’une époustouflante beauté, alliant paysage de mer d’un côté et reliefs montagneux de l’autre. Du haut du car, bien perchés pour contempler ce qui nous entoure, je ne peux m’empêcher de trouver cela impressionnant, le précipice est si proche ! Pour une fois, nous ne regrettons pas de ne pas avoir pédalé !

C’est toujours en longeant la côte avec ses innombrables criques et baies tranquilles que nous poursuivons notre voyage.

Le vent nous accable parfois. Pour rejoindre le port de Gulluck et son chantier naval, nous devons faire face au vent et à la poussière soulevée par les camions qui défilent entre la carrière de sable et le gros bateau à quai. La progression m’est pénible. Et le vent souffle toujours… !

Nous atteignons le bout du monde par un serpent de bitume peu fréquenté qui ondule entre d’énormes blocs de pierres mégalithiques. Ces rochers lisses et pointus ourlent les rivages du lac Bafa. La chaleur est torride et même la nuit, nous sommes en nage…Les moustiques attaquent et un grillon qui ose faire crisser ses ailes sous nos têtes termine sa vie ce jour-là… !

C’est dans cette pension de ce village perdu au bout d’un lac, que je goûte pour la 1ère fois du miel…de rose et du miel…de cerise. Tous deux ont une couleur rougeâtre et leur saveur me surprend un peu.

Notre plus longue journée comptabilise 101 km . Nous traversons une grande plaine remplie de champs de coton, que ramassent des nomades. Ils sont installés là avec leurs tentes, pour la saison de la récolte peut-être. Leurs habitations sont plus que sommaires et il doit faite une fournaise là-dedans !

Plus loin , une route droite de 10km de monotonie nous fait presque regretter les routes de montagne tellement la fin nous paraît inaccessible.  Et ce vent qui souffle dans le mauvais sens… ! Alors mon moral est mis à rude épreuve mais il faut encore tenir ! Enfin, la promesse d’un panneau indiquant la ville de Soke à 6km me fait tenir mentalement. Malheureusement, cette ville n’offre aucun intérêt et pas de pension, aussi nous décidons de pousser jusqu’à Selçuk, 40km plus loin…mais cette fois , en bus. Par chance, il y a un départ 20mn plus tard.

Ainsi, les moments plus difficiles sont jalonnés de grandes joies toutes simples. A vélo, rien n’est broutille et tout est important. Le bonheur est à portée des roues…

Nous achevons notre voyage dans la plus grande quiétude. Sûrement que les « bonzuk » nous protègent ! Ces porte-bonheur turcs fabriqués en pâte de verre par des gitans avec les bouteilles de raki (l’alcool national) ornent les maisons, les portes, les vêtements des enfants, les voitures…bref tout ! Peut-être que l’œil dessiné dessus leur sert aussi d’étoile guidante !

En tout cas, nous sommes des cyclotouristes heureux : heureux d’avoir fait 810km, heureux d’avoir découvert ce beau pays.

Au fait, je confirme, beaucoup de turcs ont de belles moustaches ! !

Fin de l’aventure… pour l’instant ! !

Flo